SÉQUENCE VII
Déployer une ‘Matrice consciente d’écoute et de chérissement’ Devenir un Pôle relationnel. Tisser un ‘Lien à soi.’
Adelheid :
- Bonjour à vous, bienvenue. Bonjour Isa !
Isa :
- Bonjour Adelheid. Alors, ce nouvel entretien va porter sur ton expérience profonde. Et la question qu'on aimerait te voir développer, c'est: ‘Comment le Moi qui prend conscience peut- il, à la fois être un espace vide... et en même temps un pôle relationnel, notamment pour re-parenter l'Enfant blessé ?’ Et tu l’as expérimenté et tu l’as développé.
Adelheid :
- Bien volontiers. Je vais essayer de faire cela, au mieux.
Isa:
- Alors, ma première question, c’est: ‘Comment cette intuition de re-parenter l'Enfant ainsi t’est-elle venue? Parce que ça, c'est vraiment une approche qui t’est spécifique.
Avant que tu répondes, je vais aller rejoindre nos amis pour t’écouter, et je te poserai probablement encore quelques questions.
Adelheid :
- Comment cette intuition (de re-parenter l’enfant intérieur, le moi souffrant en soi-même, en autrui, à distance, via un processus matriciel, corps-cœur-esprit) m’est-elle venue?
C’est une ancienne histoire déjà. Et cela commence bien avant ma rencontre avec le ‘Dialogue Intérieur’ en 1991. Cela se passe en 1980. Je suis dans une vie professionnelle et une vie familiale. Et dans ma vie familiale, après un divorce douloureux, j’élève seule mes quatre enfants qui s'échelonnent respectivement entre 7 ans et 15 ans.
Avec un travail à plein temps, des enfants petits encore et des adolescents, il m’était absolument nécessaire de me relier tous les matins, très tôt, à 5 heures, à ma connexion spirituelle, je dirais. Méditer, me relier à ce qui me dépasse, pour avoir un soutien dans ce quotidien, quand même très astreignant et dans lequel je n'avais plus aucun instant pour moi dans le reste de la journée.
A ce moment-là, en 1980, il s’est trouvé que ma voisine, que j'aimais beaucoup, qui habitait à l'étage d'en dessous, qui avait plusieurs petits enfants, a eu un mélanome extrêmement grave. Et j’étais très touchée par cette circonstance, très menaçante en fait.
Et il m’est venu l’idée, de mettre cette voisine dans mon cœur, pendant mes méditations du matin. J'étais assise... et je la plaçais, ici, dans mon Cœur. Je l’enveloppais de calme, de bienveillance, de lumière, tout simplement. Et je la tenais, au fond en moi comme un petit enfant. Je ne sais pas si cela a aidé ma voisine, qui a guéri, heureusement ! Mais, c’était bon pour moi de faire cela, de pouvoir contribuer de cette manière, en silence, à alléger quelque part sa souffrance et aussi ma propre inquiétude.
Alors, il s’est trouvé que... - est-ce le destin, ou quelque chose de plus mystérieux encore ? - qu’à peine un mois ou deux plus tard, mon fis cadet, qui avait alors 7 ans, a eu un très grave accident, avec un traumatisme crânien qui l'a laissé dans le coma, avec une inflammation du cerveau extrêmement importante. Donc, il a été curarisé, mis en monitoring respiratoire. Et puis, comme chacun peut imaginer, en tant que mère, j’étais au comble de l'angoisse et de l'impuissance. Comment aider mon fils ?
Et là, ce qui s'était passé avec la voisine, m’est revenu. C’était tout frais, je me suis dit... je vais faire ça. Je vais placer mon garçon dans ma matrice corporelle, à l'intérieur, au milieu de moi, dans mon Cœur. C’était une façon, quelque part, de le remettre en gestation... lui qui était maintenant inerte, inconscient—complètement impuissant, lui aussi. Donc, j'ai fait ça. Je le mettais là, je respirais autour de lui ; je l'enveloppais d'amour. Peut-être que je lui parlais même, que je le réconfortais. Je rétablissais du calme, de la sérénité en moi, en me disant :
‘C’est ce dont il a besoin maintenant... de chaleur affective, d’enveloppement, d’une matrice, de lumière, de calme.
Alors, certainement, j'avais le sentiment que cela pouvait l'aider, parce que je suis profondément convaincue qu’il n’y a qu’un Esprit et qu’un Amour, et que nous communiquons à travers l'esprit, à travers l'amour, et qu'il pouvait le sentir... à l'hôpital universitaire où il était couché. En tout état de cause, cela m'a énormément aidée moi-même. Cela m'a permis de participer, de contribuer, d’essayer de contribuer de tout mon corps à sa guérison, au réveil de son coma. Oui, cela m'a puissamment aidée. Je n’ai jamais oublié cette expérience. Mon fils a guéri de ce premier accident. Voilà.
Isa :
- Et donc, cette expérience très profonde t’a donné une piste par rapport au travail que tu proposes en 'Dialogue Intérieur'. Est-ce que tu peux nous dire, justement, comment as-tu relié cette mise en matrice de ton fils que tu as expérimentée avec ton cœur, à la Posture du moi conscient que tu nous as expliquée tout à l’heure ?
Adelheid :
- Quand j'ai découvert le ‘Dialogue Intérieur’ et que je me suis mise à pratiquer des facilitations et à donner un cours... la première chose que j'ai développée, c'est justement cette Posture du Moi prenant conscience, en me disant... cela va être une aide pour revenir dans le ‘Moi qui prend conscience ;’ pour l'établir ! Une posture symétrique, bien enracinée, bien verticale - où l'on se recentre sur soi-même, sur son propre cœur, sur sa respiration - et où l’on va développer les trois matrices dont j'ai parlé. Celles-ci m’ont rappelé... se sont basées sur la mise en matrice de mon fils.
Il y a la matrice corporelle, la matrice physique avec notre cœur, là au centre de la poitrine... et notre amour ! Il y a, notre corps énergétique qui nous invite à un volume d'être, déjà agrandi et bien posé; spacieux... pour que ‘l’Enfant mis en matrice’ puisse respirer; qu’il ait de la place !
Et puis, il y a cette troisième matrice, que je appelée transpersonnelle, qui est reliée au divin... qui peut nous soutenir et participer - avec l'amour transpersonnel qui est l'Amour de Dieu et l'amour de tous les êtres - participer à cet enveloppement de l'Enfant.
Et, à partir de là, j'ai pu imaginer, qu'on pourrait envelopper de cette manière l’Enfant intérieur, et pas seulement l'enfant biologique, comme cela s'était passé avec Basile.
Isa :
- Et donc, ce serait très intéressant que tu nous expliques maintenant, comment tu as relié cette structure que tu viens de nous décrire, au re-parentage de l’Enfant intérieur.
Adelheid :
- Alors, je vais revenir à la pratique des facilitations. Dans cette pratique quotidienne (je faisais cela à plein temps), j’ai facilité beaucoup ‘d’enfants intérieurs.’ Et chaque fois, il y avait lieu de les apprivoiser, de les écouter... avec beaucoup de bonté, avec beaucoup de patience aussi. Avec son Cœur principalement ! Et, s’intéresser à leur douleur, la comprendre.
Et je me suis rendue compte dans ces facilitations, que le vécu de ‘l’Enfant intérieur’ était, effectivement, complètement hors du temps. Il était présent, vivant, à des âges souvent très petits... là, dans la pièce, le jour de la facilitation ! Et c'était étonnant et merveilleux, de constater cela.
Et puis, j'ai pu voir aussi, à travers ces nombreuses facilitations, combien la blessure, les blessures de l’enfant sont reliées à des lacunes du lien ressenties dans la petite enfance. La crainte de la perte du lien ! Parce que la crainte de la perte du lien, c’est aussi la crainte de la perte de la survie... de celle qui est nourrie par le lien, de celle de l'équilibre psychique ; celle de se faire simplement aimer de sa maman et de son papa.
Et, cette crainte, elle est profondément enracinée en nous. Peut-être, parce qu'à chaque naissance, on perd la matrice; on perd l’unité d'une certaine façon. Et on se retrouve séparé, dans un monde très difficile. Et à partir de cette séparation, qui est universelle, l’Enfant développe une Quête. Nous tous, développons une quête, celle d’un amour qui serait inconditionnel, qui durerait toujours, qui serait sans jugement, comme on l’a déjà évoqué.
Et nos parents n'ont pas pu nous donner cela entièrement. Même s’ils nous aimaient, sans doute de tout leur cœur, la plus part d’entre eux. Car ils avaient aussi l'obligation de nous éduquer, de nous adapter à la vie de la société, ce qui les rendait conditionnels sur de nombreux points ! En grandissant, cette quête de l'amour inconditionnel, on la reporte sur toutes les personnes qu'on rencontre; en particulier bien-sûr, sur nos partenaires, nos bien- aimés, nos amis. Et, l'autre... ne peut pas toujours être présent. Il n'est pas toujours présent. C'est impossible !
⬥ Il n’y a que deux Personnes qui sont toujours, toujours, avec nous !
Ce sont notre ‘Moi prenant conscience’ et Dieu, que l’on y croie ou non.
En réalité, il n'y a que deux personnes qui sont toujours, toujours avec nous. C’est d'abord nous-mêmes. Et donc, l’on peut accompagner son ‘Enfant intérieur’ de cette façon, puisqu’on est toujours avec soi-même. L'Enfant intérieur partage notre corps physique, donc on peut l'accompagner, on sera ensemble jusqu'à la mort et au delà de la mort. L’autre personne qui est toujours avec nous, c'est Dieu - que l'on y croie ou que l'on n'y croie pas - parce que Dieu ne dépend pas du tout de nos croyances ! Par définition, il est omniprésent. Et par définition, il est inconditionnellement aimant.
Cette éternelle Présence de soi-même et de Dieu, cette présence possible... m’a encouragée à imaginer que l'Enfant pourrait se relier au Moi prenant conscience et que le ‘Moi prenant conscience’ pourrait se relier à l’enfant. Et que je pourrais, simplement, dire à l'Enfant (que je facilite):
- ‘Tu sais, la personne qui est venue me consulter, elle est venue particulièrement pour toi ! Parce qu'elle voudrait pouvoir te connaître, t’aimer, prendre soin de toi.
Et je te propose donc, de lui demander d’être ton ami pour toujours.
Oui, cela peut paraître audacieux d’imaginer que ‘l’Enfant blessé’ que l'on facilite pourrait être d'accord de se relier... de demander à un Moi prenant conscience invisible d'être son Ami... et d’être d'accord de ‘prendre refuge’ dans ce Moi prenant conscience.
Je me disais, que tous les enfants savent se relier à l'invisible ! Ils ont des compagnons invisibles auxquels ils parlent et ces compagnons leur répondent. Je me suis dit: ‘Je vais m'aventurer dans cette direction ; expérimenter, voir ce que cela donne. C’est une hypothèse. Et l’avenir a démontré que cette hypothèse était extrêmement porteuse. Et cela a été la base de ce que nous avons appelé le ‘re-parentage de l’enfant.’